Celle que je suis

Je sais bien, que je ne dis pas ce qu'il faudrait dire pour guérir. Je me contente de vous exposer chaque semaine mes pensées les plus présentables, celles qui ne heurtent pas, ne choquent personne, celles qui collent parfaitement à l'image de la petite fille sage que l'on m'a toujours appris à être. Je sais bien, pourtant, que celles qui importent sont toutes ces pensées que je censure. Mais la honte, lorsque je m'imagine vous dire tout cela, impose le silence. Toutes ces pensées que je tais. Si je vous disais tout, je ne serai alors plus la "patiente parfaite" telle que je l'imagine, celle qui subit son état sans être pour rien dans le malheur qui s'abat sur elle. Il y a toutes ces choses, en moi : il y a celle que je cache, celle que je vous présente, il y a celle que vous pensez que je suis et celle que je suis vraiment, avec ma part d'ombre et de pensées honteuses que je réprime. Il y a la douceur et l'intelligence mais il y a, aussi, bien des défauts. De la colère et du dégoût qui ne franchissent jamais le seuil de mes lèvres mais qui, au-dedans, bouillonnent parfois. Je ne suis pas parfaite, parfaitement lisse comme je tente souvent de le faire croire. Le sourire aux lèvres. A laisser glisser. Cette capacité d'être forte et détachée au-dehors qui, à l’intérieur, se retourne contre moi. Ces faux-semblants. Je ne suis pas forte, non. Et porter un masque en permanence m'épuise et me perds. A tel point que je ne suis plus vraiment qui je suis et cette perte d'identité me pousse à me détruire. Je ne suis pas que tolérance et gentillesse. Parfois, j'ai envie de hurler. Contre la Vie, contre le monde tout entier. Contre les gens qui ne me comprennent pas. Contre ceux qui ne me voient pas telle que je suis (ou telle que je voudrais être, allez savoir). Mais si moi-même je ne le sais plus, comment le pourraient-ils ? Comment leur en vouloir ?