A l'ombre des Lumières

Minuscule, là, dans la nuit noire, petite abeille au milieu d'une ruche, je ne me suis dit qu'une seule chose. Bon, je vous l'avoue, une chose parmi mille autres, mais ces neuf cent quatre-vingt-dix-neuf là n'ont pas vraiment d'importance. J'étais dans la foule et soudain je n'étais plus simplement un élément de ce tout, une personne distincte des autres, j'étais la foule. Je l'incarnais. Ce "nous", lot de personnes distinctes et si différentes et de tous horizons, était devenu un "je", une seule et même personne devant ma beauté du spectacle. Un collectif. Et là, au beau milieu de la place, pendant que mes pieds faisaient "shplock shplock" et nageaient dans mes baskets en toile comme dans une mare, que mes cheveux me collaient au front sous la pluie qui s'intensifiait, ma main de pingouin en gant de laine rose serrant ses doigts, je ne me suis dit qu'une chose. Une chose minuscule mais une chose essentielle. Je me suis dit que la seule sensation positive qui me restait, celle qu'il fallait absolument que je conserve contre vents et marées, envers et contre tout, au péril de ma vie même, c'était celle-ci : ma capacité d'émerveillement. Cette faculté-là, à nourrir, à entretenir, à cultiver comme une plante rare. Cette chance. Car tous autour de moi, mon amoureux, ma sœur et le sien, semblaient l'avoir perdu. Je l'ai vu dans leurs yeux et je me suis sentie profondément triste pour eux, car le spectacle était magique au travers de mes yeux d’enfant. Je me serais cru petit personnage dans un conte de fée au milieu d'une forêt enchantée. Je volais. Je nageais. J'étais à nouveau la petite fille que je n'ai jamais cessé d'être. J'ai tout aimé : les baleines volantes au parc de la Tête d'Or, la forêt lumineuse aux couleurs couleurs chaudes et enveloppantes, la petite danseuse des Terreaux et les personnages de tableaux qui s'échappaient de leurs cadres pour nous offrir un ballet joyeux aux couleurs vives, les petits Annoukis rigolos de l'Opéra, la veilleuse géante place des Jacobins qui mettait à l'honneur la petite enfance et m'a replongé dans le monde merveilleux des doudous, et le Petit Prince de la place Bellecour. Et entre nous, j'avais quelques paillettes dans les yeux, résidus de rêves d'enfants envolés. Mais chut, c'est un secret. 

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Commentaires: 2
  • #1

    Sarah (vendredi, 12 décembre 2014 21:20)

    Ne t'en sépare jamais effectivement, ne la renie pas, prends-en soin, c'est le seul vrai accès à la vie, la petite fenêtre par laquelle on devrait toujours la voir.

  • #2

    desbleusaucoeur (vendredi, 12 décembre 2014 21:23)

    C'est cette chose immense qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue, je crois.
    Je t'embrasse, Sarah.