Je voudrais me sortir de là

 

Beaucoup de choses ont changées, depuis cinq ans. Je suis devenue grande, le chiffre que la balance crache n'est plus le même et les médecins en sont contents. On me félicite, je suis sur le point de terminer mes études, presque brillamment. J'ai surmonté la fin de mes trois années de formation presque sans larmes, juste une légère sensation d'ébriété qui a duré quelques jours, je crois que c'est un progrès. Les au-revoirs, qui n'étaient pour beaucoup que des mensonges. Un sourire, un geste de la main, et la page se tourne. Il paraît que c'est comme ça qu'elle marche, la vie. J'apprends encore. J'ai un appartement à moi et je gère les factures et le ménage à la perfection, pour ce que les autres en voient. Si peu. J'ai rencontré quelqu'un qui a fait battre mon cœur un peu plus fort, et tant pis si certains ne le comprennent pas, ce garçon-là, moi j'aime ses fossettes et son rire d'enfant. Son silence, c'est devant les autres. L'essentiel n'est visible qu'avec le cœur.

 

Alors il y a tout ça, oui. Mais ce n'est que le dehors, quand le dedans n'a toujours pas appris à fonctionner. Quand le renard continue de gratter parce qu'on m'a jetée dans une vie à laquelle je ne suis pas capable de m'adapter. Quand je ne comprends toujours pas le sens de ce qui m'entoure. Quand je refrène les larmes, quand je brasse de l'air pour ne pas me laisser engloutir.

Il y a, malgré le dehors presque beau et lisse, ces choses en moi qui n'ont pas changées. Ma dépendance et mon désir de perfection. Les attentions que je guette et l'Autre qui, forcément, n'est jamais à la hauteur. Les petites morts à chaque silence où j'attendais un mot. Ces choses dont je ne guéris pas. A longueur de journée, je me tais. Et en me taisant, je me tue. Si peu de personne me connaissent vraiment. Je reste fermée, hermétique, je ne sais plus faire, tisser du lien. Coquille vide. Carapace. Ne plus souffrir. Ne pas s'attacher. Parfois, je voudrais hurler, ou frapper. Je voudrais mourir une seule fois, en grand en impressionnant, craquer et hurler, plutôt que de mourir à petit feu jour après jour.

 

Mon enfance dont je ne reviens pas. La désillusion. Cette cicatrice sur mon corps. Réapprendre à vivre. Une vie suffit-elle, pour cela ? 
Et mon cœur qui éclate en silence de tous ces mots que je n'écris pas.
L'impression, aujourd'hui, que la Vie m'échappe.
Et face à cette impression-là, mon envie de disparaître.

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