Nos petites épaules

(d'après le titre d'un poème de Thomas Vinau)

 

Nos petites épaules ne suffisent pas à porter tout ça. Il faut dire que c’est très lourd, ce que tu saisis à bras le corps pour le hisser sur ton dos. Même à nous deux, bien ancrés les pieds dans le sol et la respiration lente, nos corps ploient sous la charge. Évidemment que nos petites épaules ne suffisent pas. Comment aurions-nous pu croire le contraire ? La misère du monde, personne ne peut la supporter. Mêmes les plus forts. Surtout les plus forts d’ailleurs. Ce sont eux qui tombent avant les autres. Ce sont eux qui tombent précisément parce que ce sont les seuls à avoir essayer de faire quelque chose. Les autres, ils ferment les yeux. Les forts ne sont pas toujours ceux que l’on croit. Le courage est ailleurs que là où beaucoup pensent le trouver, il loge quelque part entre la sensibilité et la tendresse. Et nous, on aura essayé. On aura fait ce qu’on a pu. J’aimerais que tu reposes ce que tu tiens dans tes bras et qui pèse beaucoup trop lourd. J’ai besoin de toi moi. Le monde aussi a besoin de toi. On va faire notre part, d’accord ? On va être des petits colibris qui transportent leurs gouttes d’eau à travers la lumière du ciel. On va prendre un morceau de cette chose sombre et désolante et on va en faire quelque chose de beau. Juste un petit bout, mais on va le transformer, ce petit bout-là. Mais d’abord, tu dois accepter que tout ça, là, c’est beaucoup trop lourd pour nous. Parce que si tu poses tout ce que tu tiens dans tes mains sur nos petites épaules, on va y laisser notre peau.