La mort a les mains douces

(d'après le titre d'un poème de Thomas Vinau)

 

 

La mort a les mains douces

tu me l’as dit ce matin

devant ta tasse de café noir

avec une désinvolture inattendue

et un sourire de petite fille.

La mort à les mains douces

mais ces mains

peu m’importe leur douceur

car je sais que bientôt

elle t’arracheront à moi.

Elles caressent désormais ta peau

comme je l’ai longtemps caressée

et je suis jaloux de la mort

qui prend tant de place dans ta vie.

Elle t’effleure de son souffle

et te frôle de ses doigts

pour que tu n’oublie pas

qu’elle vole là,

tout autour de toi,

qu’elle te suit comme une ombre

à chacun de tes pas.

Nous ne sommes plus tous les deux

nous sommes trois maintenant

la mort est entre nous

comme l’air entre nos corps.

On ne l’a pas invitée

elle s’est installée en toi

sans rien demander à personne.

La mort a cette audace

presque une indécence

de s’inviter où elle veut.

En quelques mois

ton corps est devenu sa maison

et aucun mot, aucun amour, aucune colère

ne peut pas la déloger.

Tu as accepté cette idée,

moi non.

Je me révolte encore silencieusement

mais jamais devant toi

contre cette injustice

cette chose impensable

irréelle

de me dire que ta vie, bientôt, n’existera plus.

que ton sourire aura disparu

que ton corps aura disparu

que ta voix aura disparue

que tes expressions d’enfant auront disparu

que ton odeur de vanille aura disparu

que cette vie que nous construisons ensemble

aura disparu

pour toujours

que je n’aurai plus que le souvenir

pour me consoler de ton absence

et que ça ne suffira pas.

J’étouffe mon cri et mes larmes

dans un oreiller à l’odeur de lessive

je crie à la mort de s’en aller

même si elle ne m’entend pas

et je cours te prendre dans mes bras

JE COURS

parce que tu es encore là.

Je te regarde et je me remplis

de la lumière de chaque seconde

de chaque mot que tu prononces

de chacun de tes baisers

je m’enivre de ton odeur de vanille

tout, je prends tout,

et je souris comme un petit garçon

parce que tu es encore là.

La mort a les mains douces

mais elle n’a pas encore gagné.