Les années retenues

 

Elle a vieilli d’un coup

d’un coup d’un seul

L’ouragan qui un matin d’automne

a traversé son corps

n’a pas fini de l’abîmer

et chaque jour fragilise

ce que je n’aurais jamais pensé

avoir à sauver

Les années comme longtemps retenues

derrière on ne sait quel barrage

qui soudain ont déferlé sur elle

brûlé sa peau

érodé son sourire

et transformé sa voix

Les années comme longtemps retenues

grâce à quel silence

quelles illusions

et quels espoirs

qui se sont effondrés

laissant s’abattre un matin

tout ce temps qui l’ensevelit

qui la recouvre

et dont elle ne peut s’extraire

qu’au prix d’une force qu’elle ne pense pas avoir

Les années comme longtemps suspendues

à mon regard d’enfant

qui nous protégeait

elle et moi

de ce que le temps saccage

J’ai grandi et d’un coup

d’un coup d’un seul

plus rien n’a pu retenir

les années retenues.